vendredi 25 janvier 2019

Yael



YAEL


Arrêtons nous donc un instant sur le cas Yaël qui ne manque pas d'intérêt.

Nous sommes donc dans le livre des juges.

Barak, aidé par Deborah, attaque Sisera. L'armée de Sisera est défaite.

Sisera se réfugia à pied dans la tente de Yaël, femme de Héber, le Kénien; car il y avait paix entre Yabin, roi de Hatsor, et la maison de Héber, le Kénien.

Yaël sortit au-devant de Sisera, et lui dit : Entre, mon seigneur, entre chez moi, ne crains point. Il entra chez elle dans la tente, et elle le cacha sous une couverture.

Il lui dit : Donne-moi, je te prie, un peu d'eau à boire, car j'ai soif. Elle ouvrit l'outre du lait, lui donna à boire, et le couvrit. Il lui dit encore: Tiens-toi à l'entrée de la tente, et si l'on vient t'interroger en disant : Y a-t-il ici quelqu'un ? tu répondras : Non.

Yaël, femme de Héber, saisit un pieu de la tente, prit en main le marteau, s'approcha de lui doucement, et lui enfonça dans la tempe le pieu, qui pénétra en terre. Il était profondément endormi et accablé de fatigue; et il mourut.

Comme Barak poursuivait Sisera, Yaël sortit à sa rencontre et lui dit : Viens, et je te montrerai l'homme que tu cherches. Il entra chez elle, et voici, Sisera était étendu mort, le pieu dans la tempe.



L'histoire est rappelée dans le cantique de Deborah qui fait l'objet du chapitre 5 des Juges, Ce texte est considéré comme le plus ancien texte de la bible.





Bénie soit par-dessus toutes les femmes Jahel, femme de Héber Kénien, qu'elle soit bénie par-dessus les femmes qui se tiennent dans les tentes.

Il a demandé de l'eau, elle lui a donné du lait; elle lui a présenté de la crème dans la coupe des magnifiques. 

Elle a avancé sa main gauche au clou et sa main droite au marteau des ouvriers; elle a frappé Sisera, et lui a fendu la tête; elle a transpercé et traversé ses tempes. 

Il s'est courbé entre les pieds de Jahel, il est tombé, il a été étendu entre les pieds de Jahel, il s'est courbé, il est tombé; et au lieu où il s'est courbé, il est tombé là tout défiguré.

L’histoire n’est pas sans rappeler celle de Judith qui décapita le général ennemi Holopherne.


Mais l’affaire y est différente, il s’agit d’une espionne qui s’introduit dans le camp ennemi, y séduit le chef, puis l’assassine nuitamment. 

Judith partage avec Yaël, ce privilège d’être  "bénies entre les femmes ". Une seule autre femme aura le même titre, ce sera la très sainte Vierge Marie, mais c’est dans le nouveau testament. 

Ici ce sont deux femmes qui, pour le bien de leur communauté, ont tué par traîtrise un homme ennemi. Elles sont bénies.

En ce sens, Judith et Yaël se rapprochent de Dalila qui livrera Samson à ceux de sa communauté, les Philistins. Dalila ne tue pas , elle se sert du ciseau.

Esther, la grande Esther, elle même ne tue pas mais ordonne le massacre de la maison de Haman.

Que Yaël soit sanctifié dans le cantique de Deborah ne doit pas nous arrêter : les autres personnages du Livre de Juges,Ehud  Jephtée, Samson, présentés comme des héros,quand leurs actes sont ceux de criminels sans foi ni loi.

Sur le plan de la morale guerrière, il y a là de quoi nous étonner, nous voyons cette femme accomplir puis trahir les règles élémentaires de l’hospitalité et les soumettre aux objectifs de la guerre .

Ce que nous voyons là nous semble contre nature, en offrant une coupe de lait, Jaël se comporte en mère, accueillante, protectrice, et la voilà soudain qui se transforme en une sauvage guerrière, utilisant pour arme un pieu de sa tente, le lieu dans lequel elle se doit d’accueillir.

Nous savons la valeur de l'hospitalité pour le peuple Hébreux, diverses scènes nous le rappelle, par exemple l'accueil des trois anges par Abraham.

Ça peut peut-être paraître glorieux aux yeux de la guerre, ça ressemble à une dégueulasserie aux yeux de la morale.

Nous sommes ici face à des gens qui ont mis les objectifs de la guerre au-dessus du reste et qui sont prêts à tout trahir pour arriver à leurs objectifs.
Nous avons là un renversement des valeurs, ou un oubli des valeurs, dont les israélites payeront le prix fort.

Que cela soit un acte contre nature est confirmée par Deborah elle-même :

"mais tu n'auras pas d'honneur dans le chemin dans lequel tu iras; car l'Eternel vendra Sisera en la main d'une femme."

Plus tard dans le texte Amibelek rappellera le déshonneur d'être tué par une femme :

"Tire ton épée, et me tue, de peur qu'on ne dise de moi, une femme l'a tué."

Le déshonneur provient du fait que l’acte est contre-nature : si Dieu a partagé les qualités entre l’homme et la femme, celle-ci a eu celle de donner la vie, celui-là celle de donner la mort.
L'arme qu'utilise la femme est ici le pieu, pour Judith l'épée, marque du Phallus. Un renversement de la nature sexuée.

Ici, il y a une femme qui trahit sa féminité pour se conduire en guerrière.
Elle est acclamée en héros !  bien que son acte soit une punition qu'inflige Dieu à Barak pour avoir voulu entraîner les femmes dans la guerre !

Au final la victoire est volée à Barak et celle remportée par Yaël est simplement inutile puisque l' armée étant défaite, il avait de toute façon tout perdu que sa vie même n'avait plus tout à fait de l'importance.

Plus d'importance, sauf pour une mère qui le pleure :

"Par la fenêtre, à travers le treillis, La mère de Sisera regarde, et s'écrie: Pourquoi son char tarde-t-il à venir? Pourquoi ses chars vont-ils si lentement?"

Les larmes d'une mère qui, comme celles de toutes les mères dont le fils mort à la guerre.

Un fils tué par une autre femme, n'est-ce pas le comble de l'horreur ?

L’hospitalité, c’est le propre de la femme, elle est là pour accueillir. Ici Yaël le fait avec une coupe de lait, symbole de maternité, une coupe d’honneur, montrant bien par-là la signification de l’acte sur le plan moral, 
Puis elle se trahit.

Un mot encore, elle est mariée à un Khénien, c'est à dire un descendant de Caïn.
Ceci explique peut-être cela ?

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