mercredi 9 janvier 2019

Le partage des animaux


Le partage des animaux


Avant de revenir à Hagar nous allons nous arrêter sur la scène qui s’intercale entre les deux promesses divines : gageons que nous allons y trouver la clef de notre énigme puisqu’Abraham demande à Dieu : » Comment saurai-je que tu dis vrai ?». Alors Dieu propose à Abraham de réaliser un petit rituel pour qu’il puisse lui envoyer un signe.
Quatre temps :

Et l'Eternel lui dit : Prends une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe. Abram prit tous ces animaux, les coupa par le milieu, et mit chaque morceau l'un vis-à-vis de l'autre; mais il ne partagea point les oiseaux.
Les oiseaux de proie s'abattirent sur les cadavres; et Abram les chassa.
Au coucher du soleil, un profond sommeil tomba sur Abram; et voici, une frayeur et une grande obscurité vinrent l'assaillir. Et l'Eternel dit à Abram : Sache que tes descendants seront étrangers dans un pays qui ne sera point à eux; ils y seront asservis, et on les opprimera pendant quatre cents ans. Mais je jugerai la nation à laquelle ils seront asservis, et ils sortiront ensuite avec de grandes richesses. Toi, tu iras en paix vers tes pères, tu seras enterré après une heureuse vieillesse. A la quatrième génération, ils reviendront ici; car l'iniquité des Amoréens n'est pas encore à son comble. 
                                                                          
Quand le soleil fut couché, il y eut une obscurité profonde; et voici, ce fut une fournaise fumante, et des flammes passèrent entre les animaux partagés.

Il y au milieu de ce passage la fameuse histoire dans laquelle Dieu promet la terre de Canaan à Abraham, du Nil à l’Euphrate, d’ici à là-bas. Nous sommes ici encore dans la genèse, et les thèses racistes et les velléités destructrices du Deutéronome, ne sont pas encore d’actualité. Nous discuterons de la question de la terre promise plus tard. Ce n’est pas notre propos pour le moment. En réalité, 4000 ans après qui sera capable de dire ce que Dieu a dit à Abraham. C’est perdu à tout jamais. Ici l’on voit s’esquisser l’idée que les hébreux reviendront dans le coin accomplir une petite vengeance divine. Laissons cela pour l'instant.
Ne reste que ces quatre temps.

Donc évidement il existe déjà des explications à ce partage des animaux. Certains disent que c’est pour marquer l’alliance. Dans les époques anciennes, chacun prenait la part d’un sceau qu’on partageait en deux.
Chez les grecs, le mot « symbole » était au sens propre et originel un tesson de poterie cassé en deux morceaux et partagé entre deux contractants. Le symbolon était constitué des deux morceaux d'un objet brisé, de sorte que leur réunion, par un assemblage parfait, constituait une preuve de leur origine commune et donc un signe de reconnaissance très sûr. Le Christ pour sceller la « nouvelle alliance » rompt le pain et bois le sang.
Ainsi le texte, pour signifier ce qui est habituellement traduit par le mot « Alliance » utilise une tournure signifiant l’acte de couper. Ainsi la bible de chouraqi propose-telle « trancher un pacte »
Cependant l’idée pose un problème sémantique, le mot alliance suppose l’union quand le mot trancher suppose la séparation. C’est d’ailleurs ainsi que c’était réglé le problème avec Lot, par la séparation, la mise en place de limites pour chacun. La création de la première frontière. Parce qu’avant de passer une alliance avec Dieu, Abraham en avait passé une avec Lot, comme il en repassera une autre avec Abimélek suivant le même schéma : conflit, palabres puis accord.  Ainsi le mot alliance est inadapté à rendre compte de ce qui se passe ici. Pire il fait littéralement contresens : la séparation n’est pas l’union. Encore si l’on avait parlé d’accord, parce que le mot accord, présuppose l’idée qu’il y désaccord donc conflit. L’accord est le moyen de trancher le conflit, c’est pourquoi l’épée est un des symboles de la justice,  Ici pour Abraham et Lot en édictant des règles, des règles qui sont justement des règles de partage. L’insuffisance des ressources conduisant à la nécessité de contrôler la façon dont on les consomme, donc comme on les partage. La question qui devra se poser sera donc de savoir où est alors le conflit avec Dieu ? Et si l’alliance avec Lot est une séparation de Lot et d’Abram, l’alliance avec Dieu, n’est-elle pas une séparation d’avec Dieu ?

D’autres disent que c’était coutume habituelle de faire lors d’un contrat, un sacrifice sanglant dans lequel on partageait les animaux et les signataires marchaient au milieu des dépouilles dans le sang des bêtes. C’était alors comme une signature dans le sang. Nous sommes des époux de sang dira sa femme à Moïse, lors qu’elle impose la circoncision de leur fils. Le mariage en climat islamique, est marqué par un rituel sanglant, dans lequel on verse le sang d’un animal qui, in fine, servira à alimenter la noce. La taille de l’animal qu’on y immole marque la richesse de la fête.

Pourtant le texte ne parle pas de sang, pas plus qu’il ne parle de sacrifice. Il est dit d’Abraham qu’il partage certains animaux et qu’il n’en partage pas d’autres, mais il n’est pas question de sang. Aussi si l’alliance doit être signée dans le sang, il semble qu’il manque le principal ingrédient. La notion de sacrifice n’est pas même présente, Abram demande un signe et l’acte d’Abram consiste à permettre la réponse divine.

Une explication rabbinique va nous rapprocher de la vérité : si Abraham ne partage  pas les oiseaux, c’est simplement qu’ils n’ont pas de prépuce et qu’ils ne peuvent pas être coupés, ainsi le partage des animaux symbolise la circoncision. Explication tout à fait convaincante, puisque la séquence suivante verra Dieu demander la circoncision de tous les mâles en condition de la même promesse.  Or cette succession temporelle dans les séquences bibliques doit nous interpeller : il ne faut pas voir dans le partage des animaux une scène symbolisant la circoncision, mais bien voir la circoncision comme symbolisant le partage des animaux.
Nous avons parlé de la circoncision comme le mime de la castration, en disant que la castration était le renoncement au pouvoir. Nous pouvons ici élargir notre définition et dire que ses trois séquences que sont le partage des animaux, la circoncision et le sacrifice d’Isaac reflètent une seule et même chose que nous nommerons castration. Le mot castration pose en lui-même un problème en cela qu’il représente une violence difficilement acceptable, de sorte que dire de l’être humain qu’il est castré sera probablement intolérable pour beaucoup. Le mot différenciation aurait sans doute été mieux perçu mais il ne rend pas compte de la souffrance que la castration induit chez l’enfant.

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